Une des plus grandes entreprises de parcs de loisirs dans le monde, l'Italienne Zamperla, a présenté mercredi à Venise un projet controversé d'île pour la culture et les loisirs, non loin du coeur de la cité de Marco Polo.
"Non, ce ne sera pas un parc d'attractions", a juré ses grands dieux Alberto Zamperla, propriétaire de la multinationale Zamperla, à l'AFP. Il projette de transformer l'île artificielle de San Biagio, 4 hectares, située à un bout du canal de la Giudecca, et qui a servi de décharge jusqu'à il y a trente ans, en un parc thématique pour les loisirs: quand le projet aura acquis toutes les autorisations nécessaires - s'il les obtient -, ce sera une première dans la Cité des Doges.
"Je parle de l'histoire de Venise, une de mes passions, mais à ma manière. Je sais ce qui plait aux gens. Je connais mon métier. Nous avons réalisé des parcs thématiques aux Etats-Unis, en Russie, en Irak, au Mexique, en Corée du Nord, en Chine, en Thaïlande", rappelle l'industriel italien.
Pour un investissement de 80 millions d'euros et avec la collaboration de la prestigieuse université Ca' Foscari, dont le magnifique siège sur le Grand Canal sert de cadre au projet, Zamperla entend combiner créativité, goût, histoire, enseignement et profit.
Alberto Zamperlo qui a reconverti entre autres la centrale nucléaire allemande de Kalkar, créé Eurodisney près de Paris et aménagé le Jardin de Tivoli à Copenhague, un des principales attractions du Danemark, a présenté le projet vénitien, prévu pour recevoir 11.000 visiteurs par jour.
Devant la presse, les responsables des services de la ville et des représentants des habitants, l'industriel résidant à New York et qui a déjà obtenu la concession de l'île pour quatre ans, a promis de transformer ce lieu à l'abandon en un lieu stratégique capable d'attirer résidents comme touristes, en l'espace de deux ans.
"Nous voulons que cela soit bien réalisé, que le projet ait une base solide aux points de vue culturel et scientifique", a souligné Carlo Carraro, recteur de l'Université Ca´ Foscari, qui travaille de concert avec une équipe pluridisciplinaire pour l'assainissement de l'environnement sur l'île, notamment la récupération de sa faune et de sa flore, ainsi que pour la création de parcours historiques, sur la fondation de Venise et la bataille de Lépante en 1571, ou encore l'évolution du célèbre carnaval multicolore de la Cité des Doges.
Controverses
Une grande roue panoramique, des montagnes russes, des wagons traversant à toute allure un lac artificiel, la reproduction des galions de la célèbre bataille navale entre Turcs et Vénitiens suscitent déjà des controverses.
"Nous y sommes complètement opposés, ce sera un parc d'attractions doté d'une immense roue. Je ne critique pas le fait que l'on veuille réhabiliter une zone dégradée, où fonctionnait un incinérateur jusqu'en 1980. Mais nous n'avons pas besoin de davantage d'attractions, nous en avons déjà assez! Venise a d'autres priorités, ses habitants disparaissent, elle devient déjà un parc d'attractions", a expliqué à l'AFP Matteo Secchi, de l'organisation Venessia.com.
Le conseiller municipal Roberto Vianello se montre moins critique: "c'est positif de réhabiliter une île abandonnée, où s'accumulent les métaux lourds et probablement de la dioxine, à seulement douze minutes de bateau de la place Saint-Marc, au coeur de Venise".
Pour le géant des parcs d'attraction, qui est né à quelques kilomètres de la Sérénissime et a collaboré avec Walt Disney, il s'agit d'un véritable "défi".
"On ne peut comparer mon projet à celui du Palais Lumière de Pierre Cardin (à Marghera près de Venise) qui a échoué", a affirmé Zamperlo, qui argue que son parc offrira des emplois pour au moins 500 personnes, et contribuera à gérer le flux de quelque 500 millions de touristes qui envahissent chaque année la Cité des Doges, la plupart du temps pour quelques heures seulement. Un phénomène qui menace l'un des plus beaux et plus fragiles joyaux du patrimoine culturel mondial.
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