"Dans le Nord, c'est plutôt la polenta qui constituait la nourriture de base, surtout chez les paysans pauvres. Jusqu'au XVIIIe siècle, on la préparait avec du grain et des légumes réduits en bouillie, assaisonnés d'huile, d'oignon, de fenouil, de miel ou de ce qu'on avait sous la main. S'il était peu fait pour susciter l'enthousiasme, ce plat était assez riche pour permettre aux petites gens de subsister.
Lors de l'introduction du maïs, les propriétaires terriens découvrirent qu'ils pouvaient s'en servir pour nourrir leurs fermiers et consacrer plus de terres à un usage commercial. La polenta fut donc désormais fabriquée à partir de farine de maïs qui devint l'aliment principal, voire exclusif, des moins fortunés...Les Améridiens savaient de quelle manière le préparer pour permettre à l'intestin d'assimiler ses nutriments, mais leurs techniques n'ont pas traversé l'Atlantique en même temps que leur plante. Ce régime déséquilibré conduisit à une maladie appelée pellagre...Elle se traduisait par des douleurs de tête et de dos, par l'engourdissement des extrémités, par des maux de ventre ; la vue et l'ouïe déclinaient, des tremblements survenaient et le patient finissait par sombrer dans la dépression, dans la folie, avant de succomber"
Loredan - Confessions d'un masque vénitien